Le peintre Claude Monet à Sèvres

Le peintre Claude Monet à Sèvres

Histoire et patrimoine
Chaque mois, le Sévrien vous propose, avec les Archives de la ville, de vous replonger dans l’histoire de notre ville. Saviez-vous que le célèbre peintre impressionniste, Claude Monet, avait vécu à Sèvres ? Retour sur ce moment de vie…
Publié le 3 novembre 2023 Modifié le 22 novembre 2023

Sommaire

Si Claude Monet ne resta que trois mois à Sèvres en 1866, le temps pour lui de commencer à peindre le célèbre tableau, Femmes au jardin puis d’être rattrapé par les huissiers du tribunal de Sèvres.
C’est au printemps 1866, que Claude Monet s’installa à Sèvres avec sa compagne, Camille Doncieux au chemin des Closeaux. Ils avaient loué une maison entourée d’un jardin. Monet veut alors peindre et vivre en plein air, mais surtout s’éloigner de Paris. La vie y est onéreuse et les créanciers le poursuivent.
À son ami, l’artiste-peintre, Armand Gautier, Claude Monet avait écrit qu’il s’était installé à Sèvres non loin de la gare de Ville-d’Avray sans en préciser l’emplacement. Il est vrai qu’une partie du chemin des Closeaux perdure toujours du côté de Ville-d’Avray tandis que cette rue prend le nom de rue du Bel Air à Sèvres. Monet, peut-être pour échapper à ses huissiers, laissa toujours planer le doute quant au fait qu’il résidait à Sèvres ou à Ville-d’Avray, mais le recensement de population de 1866 confirme bien que c’est à Sèvres qu’il résida.

Le tableau Femmes au jardin

À son arrivée à Sèvres au printemps 1866, Claude Monet a alors 26 ans. Etant dans une situation financière très délicate, il réussit à convaincre Frédéric Bazille, un riche peintre de la région de Montpellier de lui commander un tableau.
C’est ainsi qu’il commencera à peindre Femmes au jardin. Le tableau représente quatre femmes en toilettes d’été, cueillant des fleurs dans les allées d’un jardin. Le soleil vient se refléter sur la blancheur des robes. Monet joue sur l’effet d’ombre et de lumière. Sur les quatre femmes du tableau, les trois se trouvant à gauche ont eu pour modèle, Camille Doncieux, la compagne de Monet. Le peintre en fera rapidement son modèle favori en la représentant à de nombreuses reprises comme dans la Femme en robe verte ou Déjeuner sur l’herbe.
Pour peindre Femmes au jardin, Claude Monet, se lança dans une véritable innovation qui déplut dans le monde de l’art de son époque. Pour la première fois, le peintre s’attaqua à une œuvre de grand format et choisit de la peindre sur place, en plein air, afin de profiter de la nature et de la lumière naturelle et changeante. Pour bénéficier constamment du même point de vue, il n’hésite pas à établir dans son jardin de Sèvres, un véritable chantier. Ainsi, il avait fait creuser une vaste tranchée où il pouvait par un système de poulies, manœuvrer la lourde toile de 2,55 m sur 2,05 mètres. Cette prise de risque innovante, n’eut pas l’effet escompté. Le « pleinairisme » (concept de peindre en plein air des scènes extérieures) de Femmes au jardin ne séduit pas. La toile est refusée au salon de 1867.


L’un des membres du jury disant : « Trop de jeunes gens ne pensent qu’à poursuivre dans cette abominable direction. Il est grand temps de les protéger et de sauver l’art ! ». Le pleinairisme finira par avoir ses adeptes parmi lesquels Camille Corot, Jean-François Millet ou Gustave Courbet. Outre Monet, il y eut au Salon de 1867, plusieurs toiles refusées. Frédéric Bazille, qui a commandé le tableau, essaiera avec une soixantaine de peintres d’organiser un « Salon des Refusés » mais cette initiative sera interdite. Ayant tout fait pour aider son ami lourdement endetté, Bazille finira par acheter le tableau de Monet au prix de 2500 francs payable 50 francs par mois.

Après Sèvres, Claude Monet se réfugie en Normandie

L’achat du tableau par Frédéric Bazille donna un peu de répit à Claude Monet alors en proie à des plaintes pour non-paiement. Aux Archives départementales des Hauts-de-Seine, un dossier consacré « aux plaintes et aux jugements contre Claude Monet » relate les diverses affaires qui conduisirent le peintre devant le tribunal de Sèvres. Dès le 5 juin 1866, Monet est convoqué par le juge de paix, Fabrège, qui habitait au 88, Grande Rue (actuellement le 112, Grande Rue). Ce dernier condamne le peintre au remboursement de 200 F auquel s’ajoute 37 F de taxes. Le 30 juin 1866, Claude Monet qui confirme habiter chemin des Closeaux, fait opposition à son jugement et obtient le droit d’échelonner ses paiements moyennant 25,50?F par mois. Deux autres condamnations s’ensuivent. La première, en août 1866, Monet doit s’acquitter auprès d’une maîtresse d’hôtel de Paris de payer la somme de 87, 25 F. La seconde, le 8 septembre 1866, il est condamné par M. Stanislas Collet, clerc d’huissier demeurant villa Brancas à Sèvres à verser 161 F à un épicier de Ville-d’Avray pour l’achat de fournitures et de marchandises.
Les sources ne nous aident pas à savoir si Claude Monet s’acquitta de toutes ses dettes avant son départ de Sèvres, mais elles relatent un autre fait notable. Monet aurait raconté qu’en quittant Sèvres en septembre 1866, il aurait lacéré près de 200 toiles afin qu’elles ne soient pas saisies par les huissiers. Malgré l’achat de sa toile Femmes au jardin par Frédéric Bazille, Claude Monet est plus que jamais dans la misère. De plus, sa femme Camille est enceinte. Il décide alors de retourner vers sa famille en Normandie. C’est là que naîtra son fils Jean, le 8 août 1867 et que sera achevé Femmes au jardin. Aujourd’hui, le tableau est conservé au Musée d’Orsay.

Cet article a été inspiré de celui de J.P Hubschman, tiré du Savara n°13